Par les gestes simples, 2018
Thomas Havet


LES GÉANTS︎
Texte du catalogue de l’exposition personnelle de Maximilien Pellet, au POCTB, 10.01 — 10.02.2019.

« (...) l’être qui a une forme domine les millénaires. Le fossile n’est plus simplement un être qui a vécu, c’est un être qui vit encore, endormi dans sa forme. »
︎Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, PUF, 1957

Par les gestes simples du maçon qui ont traversé les siècles, Maximilien Pellet convoque l’histoire de la représentation. Convocation comme construction, évocation comme interprétation.

Aussi les géants qui dominent cette proposition de l’artiste en sont les témoins et les représentants. Figures emblématiques des traditions populaires traversant tant les cultures religieuses ou païennes que les époques. Nous reviennent alors les frasques de Don Quichotte de la Mancha ; il y a cette malice aussi dans les peintures chimères de Maximilien Pellet.

Ces géants, aux traits grossièrement humains, ceux d’un primitivisme enfantin où le « bonhomme » règne, sont de part leur tentative de représentation de la modernité une évocation du travail de Roger Toulouse, personnalité locale à laquelle Maximilien Pellet rend ici hommage. Hommage sans formalisme, non dans l’exhaustivité du catalogue raisonné — que pourtant l’artiste affectionne tant — mais dans l’empirisme joyeux, prétexte à l’expérimentation formelle chère au peintre orléanais dans sa transition de l’expressionnisme à l’abstraction.

La figure de l’artiste, passionné d’art mais aussi collectionneur, s’exprime à travers chacune des toiles aux références non dissimulées : sûrement cette gourmandise de l’emprunt, de l’observation, de l’imitation. Dès lors, l’enduit agrège et absorbe autant les effets de styles que les corps extérieurs, tels ces carreaux de céramique rapportés, derniers éléments constitutifs d’une grammaire nouvelle que l’artiste déploie au rythme d’un parcours ludique. Autant de gestes parfois primitifs, instinctifs, sûrement innés qui posent les prémices d’une initiation par sédimentation et oubli volontaire. Un apprentissage autant intuitif que cultivé, par imitation et anachronisme qui participe d’un double mouvement ; la connaissance d’effets inconnus et la redécouverte d’effets connus. Cherchant à produire l’image inédite, non sans didactisme, Maximilien Pellet, usant d’une esthétique faussement surannée, éprouve la modernité par l’inscription dans la tradition : celle du peintre, devenu décorateur.

Construire par assemblage, en grand et en peinture. Ce plaisir de la composition déjà présent dans les carnets de croquis quadrillés de l’artiste s’exprime à l’échelle de l’espace de monstration où chaque châssis au format similaire pourrait être dispersé et recomposé à loisir par sens du spectaculaire. À ce jeu de taquin résonne le récit rocambolesque de l’art et de ses grandes tribulations : fragments volés, toiles découpées, fresques démantelées... bien que la fresque ait depuis l’origine des temps, de l’art rupestre à la renaissance, l’honneur de la persistance dans le temps par une ambition double, spatiale et historiciste. Chaque pan invite alors la grande comme la petite histoire et façonne une narration elliptique qui, « rejointée », s’inscrit dans la grande tradition picturale par delà les avant-gardes. In fine, ces peintures devenues murs et mobiles affirment la permanence d’une chronologie stylistique méconnue des historiens modernes qui pourtant traverse les civilisations humaines.
Mark