ON A ENLEVÉ LES FLEURS,
IL RESTE L’EAU
21 – 30 octobre 2016
Exposition collective en appartement



© Photos - Maxime Milanesi 
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Avec : Cyril Zarcone & Damien Caccia,Vanessa Dziuba, Louis Granet, Lola Hakimian, Marine Provost, Ludovic Sauvage et Yannis Pérez.

Curateur : Thomas Havet


La Joconde trônait, imperturbable et satisfaite. Elle le toisait du haut de son ridicule format, victorieuse dans ce face à face de l’Histoire. Impossible de s’y résoudre, d’admettre l'ironie du sort qui l'avait entravé là, témoin impuissant de cet affront perpétuel. Depuis longtemps déjà, seuls les coups d'œil hagards d’admirateurs découragés ou de quelques érudits égarés l'effleuraient entre deux tentatives d’accéder à elle. Le panorama de cette horde avide détournée de lui, ces marées de dos hostiles n’en finissaient pas d’éprouver sa dignité.

Depuis la dernière restauration, il avait sombré dans une abdication résignée. Le retour de sa superbe n'y avait rien changé. Mais il avait aussi commencé à nourrir en secret une haine féroce à l'égard de l'autre. L'usurpateur.

Rien n’avait pourtant laissé présager le revirement brutal de sa destinée. Il avait été conçu pour un écrin à sa mesure où nul rival n’était susceptible de lui faire ombrage. Son pouvoir se déployait sans obstacle jusqu'à ce voyage cruel. Quitter Venise fut un véritable arrachement. Puis ce cadre doré dans lequel il avait été encastré, symbole d’un faste présumé, s’était révélé être à l’image de cet étau qui se refermait sur lui. L’ultime consécration promise s’était transformée en un périlleux naufrage vers la désaffection.

Le réfectoire, son propre berceau originel, accueillait désormais cette doublure infâme. Outrage. Profanation. La technologie avait échoué à ressusciter l'aura de son créateur, mais elle avait permis d'engendrer cette contrefaçon. Le sublime avait changé de camp, l’abandonnant à son injuste obsolescence. Et tout cela n'était qu'affaire de miracle, après tout : si lui représentait celui du mythe, elle incarnait mystérieusement son essence absolue et l'autre en était la dernière version. Le temps l'avait définitivement disqualifié et il ne pouvait plus rien y faire. « Tu ne vois que ton ombre lorsque tu tournes le dos au soleil »︎, avait dit le poète. Bientôt sonnerait l’heure du prompt retournement.
︎Khalil Gibran, Le sable et l’écume, 1926

Texte :   Noémie Monier
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Double Séjour, Paris XXème
21 - 22 - 23 octobre 2016
Chapitre un
28 - 29 - 30 octobre 2016
Chapitre deux


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© Photos – Maxime Milanesi
001a – On a enlevé les fleurs, il reste l’eau, Vue d’exposition
001b – Louis Granet, Untitled (Ele é gigante, você anda, anda, anda e não conheceu…) 2016
001c – Détail, Vanessa Dziuba, Vases,2016
001d – On a enlevé les fleurs, il reste l’eau, Vue d’exposition


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